« Vivre avec d’autres n’est jamais chose facile, même avec des gens qui parlent notre langue et proviennent de notre milieu. Les membres d’une famille ou d’un groupe peuvent être différents par leur sexe, âge, personnalité, leurs attentes, leurs préférences. Aucune relation familiale ou d’amitié ne peut être tenue pour acquise pour toujours, à moins qu’elle ne soit construite, développée et entretenue avec soin et intelligence.

Les cultures ajoutent encore une autre dimension de différence, plus subtile.

Alors que les autres différences – principalement celles de sexe, d’âge ou de rôles familiaux – sautent aux yeux, les différences culturelles sont souvent cachées : elles appartiennent à ce que chez AFS, nous appelons la partie submergée de l’iceberg.

Elles sont cachées non seulement aux autres, mais aussi à nous-mêmes, en ce sens que la majorité d’entre nous ne sommes pas conscients de nos limites culturelles et avons tendance à identifier notre comportement comme étant « normal » et « universel ». Quiconque se comporte différemment est perçu comme étant « étrange » et est regardé avec un certain degré de méfiance.

AFS met les gens au défi dans ce domaine, en introduisant dans une famille un jeune qui est différent non seulement par des aspects visibles (par sa langue, son éducation, ses goûts, ses habitudes), mais aussi par des aspects invisibles : ses valeurs, sa vision du monde, ses relations.

Les personnes qu’AFS rassemble – une famille d’accueil et un élève étranger – apprennent à apprécier leurs personnalités individuelles différentes, ainsi que leurs bagages culturels distincts, lentement et presque par accident – souvent par essai et erreur.

Les frontières entre la nature et la culture sont souvent minces et il faut du temps et de la patience pour découvrir ce qui appartient à la nature d’une personne et qui le rend différent des autres, et ce qui démontre plutôt une tradition culturelle différente : pour comprendre un individu en tant que personne d’un côté et en tant que porteur d’une culture différente de l’autre.

Ce processus est encore plus complexe aujourd’hui, puisque les jeunes du monde entier tendent à s’habiller de la même façon, écouter la même musique, avoir des modes de vie semblables. Creuser sous la surface de ces similitudes superficielles est encore un autre défi. Toutefois, la récompense pour s’engager sur le chemin de la découverte des autres – qui ultimement mène à une découverte de soi plus profonde – est une joie qui en vaut très bien la peine.

Ce manuel offre plusieurs indices pratiques qui rendront le chemin plus plaisant pour tous et qui guideront et structureront l’apprentissage qui peut surgir d’une rencontre interculturelle. Je félicite AFS Interculture Canada pour cet effort et souhaite à tous les lecteurs un Bon Voyage! »

Roberto Ruffino
Secrétaire général, AFS Intercultura Italia
Fondateur EFIL – European Federation for Intercultural Learning

Commencez votre expérience d'accueil du bon pied

Quand des invités sonnent à notre porte, on les accueille avec enthousiasme pour montrer à quel point nous sommes contents qu’ils soient là. Cependant, pour les élèves accueillis, il est possible que les premiers instants soient un peu inconfortables, puisqu’ils ne connaissent pas encore nos façons de se saluer et sont fatigués du long trajet qu’ils ont dû faire pour arriver chez nous.

Si votre élève ne réagit pas beaucoup à votre accueil chaleureux, ne lui en voulez pas ! Il est probablement confus et fatigué. Acceptez-le, relaxez-vous, et concentrez-vous sur les points suivants :

  • L’élève a probablement besoin de repos
  • Vous devrez fournir une courte orientation à son arrivée (voir les sujets à aborder plus bas)
  • Assurez-vous que l’élève sache que vous êtes disponibles pour l’aider et pour répondre à ses questions
  • N’oubliez pas de rassurer votre élève en lui disant qu’il est normal de faire des erreurs

Les sujets à aborder dès l'arrivée

Certaines conversations peuvent sembler gênantes, mais elles vous sauveront de situations qui pourraient être beaucoup plus embarrassantes plus tard!

Rappelez-vous : ce n’est pas parce qu’on a discuté de quelque chose que c’est compris! Parfois, des comportements qui sont naturels dans notre culture, comme des réflexes, généreront des réactions inhabituelles de la part du jeune. Soyez attentifs aux problèmes de communication et parlez-en si vous sentez que le jeune est confus.

Il est important que les élèves contactent leurs parents naturels aussitôt que possible pour les rassurer de leur arrivée chez vous. Cela aide aussi à calmer les anxiétés de l’élève et s’avère une bonne occasion pour vous de vous présenter à ses parents.

Les sujets à aborder après que l'élève se soit installé

Dans certains pays chauds, il est normal de prendre deux ou trois douches par jour. D’autres élèves n’utilisent pas de déodorant, ou au contraire se parfument beaucoup plus que les jeunes Canadiens. Chaque culture définit ce qui est « propre » de manière distincte. De toute façon, il y a sûrement des odeurs « cachées » dans votre maison, c’est-à-dire qui passent inaperçues pour vous, mais qui seront dérangeantes pour l’élève. S’il a des habitudes d’hygiène qui pourraient nuire à son intégration, vous pouvez lui en faire part en faisant attention d’user de beaucoup de tact.

Quelques conseils pratiques

L’élève AFS devient un membre à part entière de la famille, il en adopte les principales coutumes. Il ne faut pas pour autant essayer d’en faire un parfait petit Tremblay ou un parfait Beauceron ! On n’accueille pas un élève pour le changer, mais plus l’année avance, plus il se laisse tout naturellement influencer par sa famille d’accueil et son pays d’accueil.

L'expérience de la famille d'accueil

Jusqu’à maintenant, nous avons surtout parlé des effets de l’échange étudiant sur le jeune… Mais qu’en est-il de la famille d’accueil ? Même si vous restiez dans votre communauté tout au long de l’expérience d’accueil, vous n’êtes pas à l’abri du choc culturel provoqué par le regard intrigué de l’étranger sur votre mode de vie. Vous traverserez fort probablement des périodes de remise en question au sujet de votre propre culture : nous appelons cette expérience le « rétrochoc ».

Rétrochoc : Une condition qui varie en intensité, de légère à modérée, où une famille voit ses routines, son harmonie, ses perceptions et ses croyances temporairement dérangées.

Symptômes : Irritabilité, découragement et perte d’objectivité

Moment de déclenchement : Tôt dans l’expérience d’accueil, peut durer jusqu’à quelques mois, tout dépendant des efforts de chacun pour remédier à la situation.

Remède : Savoir que c’est un phénomène tout à fait normal et affronter la situation en étant le mieux informé et préparé possible.

Les adolescents ont déjà tendance à nous renvoyer une image peu flatteuse de nous-mêmes. En effet, ils détectent vite les contradictions dans le discours de leurs parents et, pleins d’un idéalisme qui n’a pas encore été mis à l’épreuve par les ambiguïtés morales de la vie, ils font ressortir ce qu’ils considèrent être des comportements « hypocrites ». Par exemple, ils demanderont :

  • Pourquoi dites-vous que les drogues sont pires que la cigarette ou l’alcool ? La nicotine et la caféine sont plus nocives et créent plus de dépendance que la marijuana !
  • Pourquoi allez-vous vous entraîner au gymnase si vous prenez votre voiture pour aller au dépanneur ?

Déjà, les adolescents forcent naturellement leurs parents à se remettre en question. Alors, lorsqu’il est question d’un adolescent étranger, vous risquez non seulement de vous faire mettre à l’épreuve par rapport aux contradictions de votre mode de vie, mais aussi par rapport à vos contradictions culturelles. Ces dernières peuvent être particulièrement difficiles à entendre puisqu’elles touchent aux croyances et aux valeurs qu’on prend pour acquis depuis notre enfance.